Texte d’Alain Rey (sur Montaigne) : texte non analysé avec le groupe 1

Répondez aux questions suivantes en consultant les ouvrages de référence (Le Bon Usage, la Grammaire méthodique du français, etc.).  

 

D’après ce qu’il raconte (1), vivant en milieu clos (2), le jeune Michel n’entendit pas de français ni même de « périgourdin » avant l’âge de six ans. On peut imaginer le décalage qui en résulta vis-à-vis de son entourage, et la relation complexe au français que ce fait engendra chez lui (3). Alors qu’on donnait en exercice de « thème latin » aux autres élèves de son collège des textes en français à traduire (4-5-6), on était contraint, dans son cas, de modifier l’exercice, et de lui donner, plutôt que du français, un texte en « mauvais latin » qu’ (7) il avait pour mission de corriger en latin « pur ». L’un des effets de cette éducation étrange fut, aux yeux du principal intéressé , un apprentissage miraculeux du latin (18), « sans art, sans livre, sans grammaire ou precepte, sans fouet et sans larmes » ; et qui plus est (8) un latin pur, correct, ce qui (9) n’est pas sans importance en ces temps. Que l’éducation ainsi dispensée ait eu valeur d’exemple ou ait contribué à le marginaliser (10), cela est discuté par Montaigne lui-même dans les Essais ; on craignait parfois de l’ « accoster », dit-il (11), particulièrement les adultes lettrés…

Toujours est-il que Montaigne semble avoir retenu de cette expérience un excellent souvenir de l’apprentissage du latin (12). La pédagogie scolastique des langues anciennes, en revanche, n’a pas retenu ses faveurs. Pourtant son père, qui avait décidé de lui faire apprendre le grec « par art », avait choisi d’expérimenter avec lui une méthode innovante et audacieuse, qui consistait principalement en jeux (dans l’apprentissage des déclinaisons, par exemple, un peu à la manière de ce que pratiquera au XXe siècle Wittgenstein dans son collège d’Autriche), et dans l’utilisation du grec pour enseigner d’autres matières, les mathématiques par exemple. Montaigne reconnaît que son père procéda tout en douceur, sans contrainte, et avec beaucoup de tact (13-14). Mais, dit-il, la méthode fut un échec, et le Montaigne adulte estime qu’il n’a du grec « quasi du tout point d’intelligence » (15). De cet échec, Montaigne rend responsable sa constitution, qu’il qualifie de « champ stérile » pour l’apprentissage des langues : esprit lent, invention « lasche », un « incroïable defaut de memoire » (16)… C’est ainsi que son père, se rangeant aux idées du plus grand nombre, suivant « ceux qui vont devant, comme les gruës », dit Montaigne, envoya vers l’âge de six ans le jeune Montaigne au collège de Guyenne, considéré comme « le meilleur de France » (17).

 

Alain Rey, Mille ans de langue française. Paris,

Perrin, 2007, p. 582.

 

 

(1)   Analyser cette proposition. 

(2)   Analyser ce syntagme. S’agit-il d’une proposition participiale ? Argumentez.

(3)   Analyser cette proposition.

(4)   Analyser cette proposition.

(5)   […] en exercice « de thème latin » : analyser ce syntagme.

(6)   Analyser le mot aux.

(7)   Analyser le qu’.

(8)   Analyser ce syntagme.

(9)   Analyser ce qui.

(10)           Analyser cette proposition et justifier l’emploi du mode subjonctif.

(11)           S’agit-il d’une incise ou d’une incidente ?

(12)           Analyser ce syntagme.

(13)           Analyser cette proposition.

(14)           […] tout en douceur, sans contrainte et avec beaucoup de tact. Analyser ces syntagmes.

(15)           Analyser cette proposition.

(16)           Analyser tous les syntagmes de cette proposition.

(17)           Analyser tous les syntagmes de cette proposition.

(18)           Analyser ce syntagme.

 

Analyse du texte :

 

D’après ce qu’il raconte (1), vivant en milieu clos (2), le jeune Michel n’entendit pas de français ni même de « périgourdin » avant l’âge de six ans. On peut imaginer le décalage qui en résulta vis-à-vis de son entourage, et la relation complexe au français que ce fait engendra chez lui (3). Alors qu’on donnait en exercice de « thème latin » aux autres élèves de son collège des textes en français à traduire (4-5-6), on était contraint, dans son cas, de modifier l’exercice, et de lui donner, plutôt que du français, un texte en « mauvais latin » qu’ (7) il avait pour mission de corriger en latin « pur ». L’un des effets de cette éducation étrange fut, aux yeux du principal intéressé , un apprentissage miraculeux du latin (18), « sans art, sans livre, sans grammaire ou precepte, sans fouet et sans larmes » ; et qui plus est (8) un latin pur, correct, ce qui (9) n’est pas sans importance en ces temps. Que l’éducation ainsi dispensée ait eu valeur d’exemple ou ait contribué à le marginaliser (10), cela est discuté par Montaigne lui-même dans les Essais ; on craignait parfois de l’ « accoster », dit-il (11), particulièrement les adultes lettrés…

Toujours est-il que Montaigne semble avoir retenu de cette expérience un excellent souvenir de l’apprentissage du latin (12). La pédagogie scolastique des langues anciennes, en revanche, n’a pas retenu ses faveurs. Pourtant son père, qui avait décidé de lui faire apprendre le grec « par art », avait choisi d’expérimenter avec lui une méthode innovante et audacieuse, qui consistait principalement en jeux (dans l’apprentissage des déclinaisons, par exemple, un peu à la manière de ce que pratiquera au XXe siècle Wittgenstein dans son collège d’Autriche), et dans l’utilisation du grec pour enseigner d’autres matières, les mathématiques par exemple. Montaigne reconnaît que son père procéda tout en douceur, sans contrainte, et avec beaucoup de tact (13-14). Mais, dit-il, la méthode fut un échec, et le Montaigne adulte estime qu’il n’a du grec « quasi du tout point d’intelligence » (15). De cet échec, Montaigne rend responsable sa constitution, qu’il qualifie de « champ stérile » pour l’apprentissage des langues : esprit lent, invention « lasche », un « incroïable defaut de memoire » (16)… C’est ainsi que son père, se rangeant aux idées du plus grand nombre, suivant « ceux qui vont devant, comme les gruës », dit Montaigne, envoya vers l’âge de six ans le jeune Montaigne au collège de Guyenne, considéré comme « le meilleur de France » (17).

 

Alain Rey, Mille ans de langue française. Paris,

Perrin, 2007, p. 582.

 

 

(1) D’après ce qu’il raconte, […] :              proposition relative périphrastique ; complément circonstanciel de comparaison de sens hypothétique.

Attention, il ne s’agit pas d’une incidente, même si on sent un jugement de la part du narrateur. Cependant, la phrase n’est pas interrompue.

 

(2) […] vivant en milieu clos, […] : il ne s’agit pas d’une proposition participiale car le sujet du participe présent n’est pas exprimé ; on a seulement le participe présent suivi d’un COI (selon la NG).

-) participe présent / syntagme verbal ; fonction : épithète détachée.

 

(3) […] que ce fait engendra chez lui : proposition relative déterminative (complément du nom « relation ») ; que = pronom relatif COD.

 

(4) Alors qu’on donnait en exercice de « thème latin » aux autres élèves de son collège des textes en français à traduire, […] : proposition circonstancielle d’opposition (alors que = locution conjonctive de subordination) ;

 

(5) […] en exercice « de thème latin » : syntagme nominal ATT. du COD « des textes…à traduire ».

Il ne s’agit pas d’un complément circonstanciel, car si on supprime ce syntagme, le sens est modifié.  

 

(6) aux : à + les ; déterminant article défini contracté.

 

(7) qu’ : pronom relatif COD du verbe « corriger ».

 

(8) qui plus est : élément incident (comme l’expression figée « qui pis est »), donc élément sans fonction dans la phrase.

L’élément incident est une espèce de parenthèse par laquelle celui qui parle ou écrit interrompt la phrase pour une intervention personnelle.

 

(9) ce qui : pronom relatif nominal introduisant une proposition relative périphrastique.

 

(10) Que l’éducation ainsi dispensée ait eu valeur d’exemple ou ait contribué à le marginaliser : proposition complétive SUJET (§ 1124 BU : la proposition sujet introduite par que et placée en tête de phrase est le plus souvent reprise par un pronom neutre).

 

(11) dit-il : incise ; élément sans fonction dans la phrase.

Les incises sont des incidentes particulières indiquant qu’on rapporte les paroles ou les pensées de qqn. Elles sont reconnaissables à l’inversion sujet + verbe ou, en français populaire, au « que + sujet + verbe »).

 

(12) avoir retenu de cette expérience un excellent souvenir de l’apprentissage du latin : syntagme verbal ATT. du SUJET.

 

(13) que son père procéda tout en douceur, sans contrainte, et avec beaucoup de tact :  proposition complétive COD.

 

(14) tout (adverbe) en douceur (syntagme nominal), sans (préposition) contrainte (syntagme nominal) et avec (préposition) beaucoup de (déterminant indéfini) tact (syntagme nominal) : compléments circonstanciels de manière.

 

(15) qu’il n’a du grec « quasi du tout point d’intelligence » : proposition complétive COD de « estime ».

Comment analysez-vous les syntagmes de cette proposition ? Peut-on considérer que quasi du tout point d’intelligence est ATT. du COI ? NON car on ne peut pas dire « du grec est quasi du tout point d’intelligence »).

du grec est complément du nom de « intelligence » ; quasi du tout point d’ (locution adverbiale) intelligence : syntagme nominal COD.

 

(16) De cet échec (complément de l’adjectif « responsable ») – il dépend de lui), Montaigne rend responsable (noyau du syntagme adjectival « responsable de cet échec », ATT. du COD « sa constitution ») sa constitution (syntagme nominal COD), qu’ (pronom relatif COD de « qualifie ») il qualifie / de « champ stérile » pour l’apprentissage des langues/ (syntagme nominal ATT. du COD « qu’ » ; pour l’apprentissage des langues = complément de l’adjectif « stérile » – pas un complément circonstanciel de but car dépend de l’adjectif « stérile ») : esprit lent, invention « lasche », un « incroïable defaut de memoire » (syntagmes nominaux en apposition ; antécédent : « sa constitution » ou ATT. du COD « champ stérile ») (proposition relative explicative – complément du nom)  

 

 

(17) au collège de Guyenne, considéré comme « le meilleur de France » (syntagme adjectival épithète détachée ; comme « le meilleur de France » = complément de l’adjectif. Il ne s’agit pas d’un ATT. du COI comme dans la phrase : Je le considère comme (=) « le meilleur de France ») : syntagme nominal COI (nouvelle grammaire).

 

(18) un apprentissage miraculeux du latin : syntagme nominal ATT. du SUJET.

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